Notre devoir comme notre mission

Martine : Je suis retraitée depuis quatre ans. Avant j’étais psychomotricienne. Mes parents avaient des ami.es qui avaient un enfant handicapé et ça m’a beaucoup touché. Les possibilités qu’il y avait en étant supporté.e par un élan, par quelque chose que lui transmettait ses parents, ses grands parents, les personnes qui l’aimaient. 

J’ai travaillé avec des enfants, avec des adultes, avec des adolescent.es, des personnes âgées. Mon travail consistait à engager le corps. Ça m’a beaucoup appris. La relation à l’autre, que ce soit, je vous dis au niveau des enfants, des adolescent.es, j’ai beaucoup appris, tout le temps, jusqu’au dernier jour de ma carrière je dirais. Avec les collègues aussi. Vraiment, je ne regrette absolument pas ce que j’ai fait et ce que j’ai pu transmettre.

Christine : Alors nous avons travaillé ensemble au CMPP (Centre Médico-Psycho-Pédagogique). J’ai été enseignante dans un collège-clinique à Cahors et à Montauban avec les présentations. Puis, j’ai travaillé parallèlement au CMPP et dans un cabinet en libéral. Puis, après cela, j’ai lâché la psychopédagogie pour la psychanalyse.

En psychopéda, on me disait, au CMPP, de faire travailler les enfants sur les opérations ; les techniques opératoires donc la division… c’est lourd. Qu’est-ce qui nous divise ? C’est la parole. Je ne faisais plus, moi non plus, de bilan pour dire “iel a un niveau CM1”. Petit à petit, je ne faisais plus de psychopédagogie et je me disais : “Ce n’est pas honnête ». Je fais un autre travail avec ces enfants qui ont besoin de comprendre leurs symptômes ; pourquoi iels échouent.   

Martine : Nous sommes à un carrefour de pensée. J’avais un bagage de bilans, des trucs qu’il fallait faire passer pour évaluer les enfants, très vite je l’ai abandonné. Je trouve ça inadmissible, et vraiment dommage, de limiter comme ça car le travail ne tient pas en une séance. Ce sont des choses qui ne sont pas quantifiables. Pour citer un petit exemple : un enfant avec qui je travaillais au CMPP, quand j’ai voulu arrêter en lui disant « tu vois, on a beaucoup travaillé ensemble, je pense que tu es près à faire tout seul » , il m’a dit « non je crois que j’ai encore besoin de temps » et il a beaucoup pleuré. Donc, j’ai négocié auprès de ma direction et de mon directeur médical, le fait de prolonger un tout petit peu plus, le temps de s’habituer à la séparation. Ça a été accordé ! Maintenant ce sont des choses qui ne sont plus possibles !

Christine : Il y a la question de la protection !

Martine : Oui, c’est ça, c’est une question de protection.

Christine : Dénoncer les abus. 

Martine : Les enfants, en tout cas, par le corps, j’ai appris beaucoup de choses. Iels transmettent beaucoup de choses, et là, il y a un moment où on se dit : « il y a quelque chose qui dit que quelque chose ne va pas » .  Donc on questionne un petit peu, et c’est vrai que si la direction n’est pas très chaude en disant que l’on peut peut-être attendre un peu, peut-être que ce n’est pas si grave que ça, que vous avez mal interprété. Seulement, au bout de quelques fois, et d’une certaine pratique, on a un peu l’habitude. Et là, on se dit non, ce n’est pas possible ! Il faut faire quelque chose. C’est vrai que des fois, j’ai été très insultée même à l’extérieur de l’établissement, par les parents et c’est très dur à vivre quand même. Mais bon. Il y a l’enfant. 

Christine : Notre devoir comme notre mission, c’est d’améliorer la position du sujet.